En séance du Conseil communal du 15 juin, Laurie Willommet, Municipale, a pris la parole ainsi:
« Je m’adresse à vous aujourd’hui, au lendemain du 14 juin 2023, pour partager mon expérience en tant que municipale au cours des deux dernières années et mettre en évidence le sexisme ainsi que les préjugés de genre qui ont parfois lieu en politique. Je suis consciente que toutes les revendications de la grève féministe ne font pas consensus, mais j’ose croire que cette revendication-là est importante aux yeux de chaque élu.e. Mon objectif n’est pas de provoquer ou d’accuser, mais plutôt de susciter une prise de conscience collective et de favoriser le changement.
Dès le début de ma campagne électorale en 2021, j’ai été confrontée à des épisodes de sexisme et de harcèlement ordinaire. Très rapidement, on m’a fait comprendre que ma seule valeur résidait dans le port de mini-jupes et de bas noirs. J’ai été réduite à des stéréotypes dégradants tels que “nympho” ou “bipolaire”. Malheureusement, ces attitudes méprisantes se sont poursuivies bien après mon élection. On m’a rappelé sans cesse que ma victoire était due à mon genre, comme si cela diminuait automatiquement mes compétences et mon mérite.
Les premiers mois après mon entrée en fonction, j’ai dû faire face à des remarques condescendantes du type : “Ah, mais en fait, vous savez parler, vous avez des idées ? Si j’avais su, je vous aurais adressé la parole plus tôt.” Et je préfère taire les bises baveuses, les commentaires sur ma tenue ou les petites remarques dégradantes auxquelles j’ai été exposée.
Une expérience marquante : un politicien avec qui j’ai travaillé durant une semaine ne m’a adressé la parole qu’une seule fois pour me dire : “Oh, mais elle est plus jolie que son prédécesseur en tout cas”. Et que dire du mail injurieux et sexiste que j’ai reçu lorsque j’ai essayé de recadrer une situation dans un conseil que je présidais ? On m’y qualifie de “Mademoiselle”, de “carriériste” ou encore d’“employée à son service”, pour ne citer que quelques exemples.
Plus récemment, on m’a donné un surnom sur les réseaux sociaux pour être une politicienne un peu trop émotionnelle. Peut-être pas assez masculine ?
Si ces éléments sont faciles à décrire, il y en a d’autres, plus subtils, souvent alimentés par des préjugés. Régulièrement, mes prises de parole publiques, au Conseil par exemple, me sont commentées : “trop émotionnelle”, “trop longue”, ou encore “bien, mais…”. Il est aussi frustrant et épuisant lorsque mes idées sont tout simplement appropriées par d’autres, sans que j’en sois créditée ou reconnue pour mon travail. C’est aussi la difficulté d’avoir le respect, l’impression de toujours devoir être au top et toujours devoir se justifier quand ce n’est pas le cas.
Enfin, il y a quelques semaines, lors d’une réunion de la commission des finances, on m’a fait subtilement comprendre que je devais laisser les hommes s’exprimer sur les questions financières. Puis, lors d’une commission suivante, on m’a tout simplement demandé de me taire.
Toutes ces situations ne sont que quelques-unes parmi tant d’autres.
Alors, je m’adresse à vous aujourd’hui pour vous demander : est-ce là une réalité que nous trouvons acceptable ? Cette question concerne chacun.e d’entre vous, quelle que soit votre affiliation politique. Il est essentiel que nous prenions toutes et tous conscience de ces problèmes, qu’ils soient intentionnels ou non. Il est important de souligner que ces exemples ne sont pas contre mes idées politiques ni contre mon travail, mais bien des attaques personnelles relevant souvent du sexisme. Je suis convaincue que chaque femme politicienne, peu importe à quel niveau, peut se reconnaître dans au moins l’une de ces situations. C’est là le message que je souhaite faire passer : le problème est systémique. Dès lors, il est de notre responsabilité de créer un environnement politique inclusif et respectueux, où les femmes sont non seulement autorisées à participer, mais également écoutées et valorisées. Je vous exhorte donc à réfléchir profondément à ces problématiques et à agir en conséquence. Ensemble, nous pouvons instaurer un changement positif, transformer la politique en un espace égalitaire où les femmes sont traitées avec équité et respect et qu’elles aient envie de s’investir, mais aussi de continuer à s’investir en politique. Nous avons toutes et tous tout à gagner. Je vous remercie de votre attention. »