Madame la présidente, Monsieur le syndic, Mesdames les municipales et Messieurs les municipaux, chères et chers collègues.
Selon l’0ffice Fédéral de la statistique (OFS), en 2019, la pauvreté en Suisse touchait quelque 735’000 personnes. Et quelque 600’000 personnes vivaient tout juste au-dessus du seuil de pauvreté, dans des conditions financières très précaires. Ainsi, des avant la crise du coronavirus, plus d’une personne sur six en Suisse arrivait à peine a joindre les deux bouts dans sa vie quotidienne. Comme le rappelait Alessandro Pelizzari, directeur de la HETSL, dans une tribune écrite dans 24 Heures le 13 janvier 2022, « beaucoup de ces personnes, majoritairement des femmes et des travailleurs migrants, ne font (…) pas valoir leurs droits aux prestations sociales ».
L’ampleur de ce problème a notamment été illustrée par une étude de la Haute école spécialisée bernoise qui concluait en 2016 que 26,3 % des avants droit à l’aide sociale dans le canton de Berne n’y recouraient pas. Ces résultats s’inscrivent dans la norme des études produites en Suisse et dans les autres pays européens depuis plus de vingt ans : le taux de non-recours à des prestations sociales (subsides, aide au logement, bourse d’études, prestations complémentaires, subventions publiques, Al, aide sociale, etc.) oscille entre 20 et 50 % suivant les droits sociaux concernés.
Les raisons pour lesquelles les personnes les plus précaires ne peuvent pas faire valoir leurs droits sociaux ont été établies précisément par de multiples recherches :
- Non-connaissance des prestations existantes (manque d’accès à l’information, langue, etc.)
- Extrême complexité et lenteur des systèmes et des procédures administratives
- Longueurs des procédures, phobies administratives, découragement
- Craintes pour les personnes désirant déposer une demande de naturalisation de ne pas pouvoir le faire parce qu’elles ont bénéficié d’une aide sociale quelconque
- Refus de se soumettre à un système de contrôle tatillon,. froid et symboliquement violent, crainte de potentielles sanctions ou de remboursements
- Stigmafisation sociale et honte
- Volonté d’autonomie qui regroupe notamment les raisons suivantes : le souhait de s’en sortir soi-même, le refus de dépendre de l’aide sociale et d’être considéré comme un assisté (20 % des cas selon une étude nationale menée en France en 2020)
Il est évident que la commune de Vevey ne saurait régler ce problème à elle seul, ne serait-ce que parce que la plupart des prestations sociales découlent de lois et de règlements cantonaux ou fédéraux. Les solutions de fond’ doivent être trouvées à ces niveaux institutionnels.
Notre commune a pourtant un double rôle à jouer :
- par des prestations qu’elle offre elle-même : aide au logement, diverses subventions pour des soins, des activités sportives, aides complémentaires, soutien aux associations actives dans l’aide à la précarité, au handicap, aux discriminations, etc.
- et par le soutien à nos concitoyen-ne-s pour des prestations externes à la commune.
Nous invitons donc la Municipalité à développer la lutte contre la précarité et la précarisation grandissante des individus et des familles, à travers l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie globale de lutte contre le non-recours aux prestations sociales, financières et non-financières. Cette stratégie pourra comporter, de manière non exhaustive, les éléments suivants :
Une série de décisions et d’actions concernant les prestations relevant directement de la commune, et notamment la mise en place de l’automaticité des prestations communales ;
La poursuite d’une réflexion en réseau avec les principaux acteurs associatifs actifs sur le territoire veveysan dans le domaine des prestations sociales, dont la Plateforme Précarité Riviera, afin d’établir les besoins en matière de lutte contre le non-recours et, cas échéant, l’ouverture d’une ligne budgétaire afin de financer les mesures adéquates (subventionnement associatif – contrat de prestation) ;
Un travail en réseau avec les communes du district afin d’éva|uer la pertinence et la faisabilité de la mise en place d’une politique intercommunale en la matière, notamment par une coordination au niveau de l’ARAS en collaboration avec les services des communes ;
L’ouverture de lignes budgétaires concrètes (personnel, subventions, actions, tout ménage, traductions, etc.) ou le renforcement de lignes budgétaires déjà existantes dans ces domaines.
Vu l’importance et de la complexité du sujet, les signataires sont conscient-es que ce postulat ne peut être traité dans l’urgence, et invite la municipalité à prendre le temps qu’il faudra pour revenir devant le conseil avec une stratégie aboutie et ambitieuse, notamment dans le cadre du programme de législature. En d’autres termes, nous souhaitons que ce postulat débouche sur des mesures concrètes dans le cours de cette législature, sans forcément attendre une réponse dans les semaines qui viennent.
Pour décroissance alternatives : Sabrina Berrocal
Signé également par les Vert-e-s, le Parti socialiste et En Avant Vevey
Etude de Caritas: www.caritas.ch/fileadmin/user_upload/Caritas_Schweiz/data/site/was-wir-sagen/unsere-position/positionspapiere/2021/positionspapier_suisse_sans_pauvrete_fr.pdf
Tribune de 24 heures: www.24heures.ch/un-vrai-archipel-des-precarites-dans-le-canton-de-vaud-769648453795