Postulat – Cultiver des fruits et légumes à l’école, pour le goût, la santé et l’environnement

Monsieur le Président,
Madame la Syndique et Messieurs les Municipaux,
Mesdames et Messieurs les Conseillers communaux,

Après des siècles d’incertitude et de peur du manque, révolution sociétale a entraîné une rapide mutation de l’alimentation ; aujourd’hui, notre société d’abondance croule sous une offre pléthorique et disparate de produits industriels « tout-prêts » si pratiques à réchauffer ; d’ailleurs « on ne cuisine plus, on s’approvisionne… » selon le sociologue Claude Fischler. Se nourrir n’a jamais été aussi facile dans les pays riches en tout cas ; paradoxalement, s’alimenter peut susciter une forme d’anxiété. Assaillis d’injonctions contradictoires propagées par la science, les lobbys et les médias, nous nous
retrouvons ainsi confrontés au dilemme du choix, nous avons dorénavant à jongler avec des critères éthiques, économiques, diététiques et surtout gustatifs pour l’élaboration de nos repas. Nous sommes appelés à adopter des habitudes de consommation responsables, à favoriser la saisonnalité et la proximité, à éviter le gaspillage, à valoriser nos déchets, à mieux déchiffrer des étiquettes équivoques (en attendant un système d’information cohérent), etc.

D’autre part, cette évolution rapide de l’alimentation, constatée dès les années 1960/70 avec l’urbanisation et la globalisation, révèle une déconnection entre les consommateurs et les milieux de la production agricole. Et rares sont les heureux bénéficiaires d’un balcon ou d’un lopin aménageable pour voir germer et croître leur propre production potagère. Dans ce contexte, la recherche a démontré que les repères gustatifs et nutritifs de nos enfants sont souvent brouillés par l’attirance de produits
aux goûts et textures standardisés et à la composition discutable voire nocive par l’ajout de sucre et graisses cachés sans parler de toute la palette d’intrants (sucre, sel, agents conservateurs, etc.) qui représentent des risques avérés de santé publique (surpoids, diabète etc.). C ‘est là ce que Joël de Rosnay, en 1974 déjà, avait qualifié de malbouffe, calamité qui devrait être combattue par la promotion active d’une alimentation « propre, juste et bonne », naturelle, de saison, de proximité, savoureuse et conviviale.

Et c’est bien nos enfants qui sont exposés, « hameçonnés » par la pub et la satisfaction addictive d’aliments ; on peut aussi penser que bon nombre d’entre eux souffrent de manques ou de carences plus silencieuses ayant un effet sur leur croissance et leurs apprentissages. Ce constat semble toucher
pour l’essentiel les familles modestes et les milieux précarisés, créant ainsi des inégalités sociales en matière de santé publique, de développement du goût et de culture culinaire.
Une prise de conscience culturelle et environnementale se fait sentir, la résistance s’organise grâce à des commerçants et artisans de qualité, nombreux dans la région, à la vitalité du Marché, à des initiatives alternatives, aux circuits courts et à la vente à la ferme… C’est donc le bon moment pour agir.

La conception et la gestion de jardins potagers à t’école, à l’instar d’autres communes comme Lausanne, Lutry par exemple, est préconisé par le Plan d’Étude Romand (PER) et les instances scolaires. La Haute École Pédagogique offre aussi des cours de formation continue centrés sur la conception et à l’entretien de jardins scolaires. Ces lieux de vie et d’échanges permettent non seulement de prendre conscience des mécanismes fondamentaux de la vie, du rythme des saisons mais surtout de percevoir le vrai goût des choses : déguster ses propres tomates, carottes ou fraises permet alors de re enchanter des papilles altérées ! II s’agit aussi de perpétuer, par l’action concrète, la transmission de savoirs fondamentaux et d’un patrimoine régional inestimable. Enfin, au cycle primaire, un programme d’initiation à l’éducation sensitive en 1/4e et 5/6e devrait être prochainement conçu et placé dans la grille horaire de l’école vaudoise.

Pour finir, nos préaux scolaires sont tristement bétonnés. Le réchauffement climatique présent et à venir demande que nous pensions à offrir de l’ombre, de la fraîcheur et un peu de nature aux écoliers pendant les récréations – à l’exemple de Genève qui arborise à nouveau ses préaux d’écoles. Il semble idéal de profiter de la rénovation du collège de la Veveyse et, dans la foulée, des nombreux bâtiments qui suivront, ainsi que de la construction du nouveau collège.

Pour ces multiples raisons, nous demandons à la municipalité d’envisager :

  • l’installation de jardins urbains dans les préaux de chaque école, garderie et unité d’accueil parascolaire ou à proximité immédiate et autant que possible en pleine terre ;
  • de prévoir la plantation d’arbres fruitiers (essences parmi les plus mellifères et donc qui favorisent la biodiversité) dans les cours d’école;
  • de profiter de l’expertise et des ressources du service des Parcs et Jardins et de l’Agenda 21 pour la réalisation de ces jardins et l’accompagnement des élèves dans la culture et la récolte de cette production « agro urbaine » en appui aux enseignants. Il semble essentiel que les services communaux soient dorénavant engagés pleinement dans ces projets afin d’assurer l’efficacité et la pérennité de ces projets. Un ou plusieurs jardiniers de la ville, maîtrisant l’art de jardiner et ayant plaisir à transmettre leurs savoirs, devraient être détachés par leur direction pour de telles tâches à un taux de travail qui varie selon la saison et les besoins ;
  • d’impliquer le tissu associatif veveysan et d’assurer la coordination avec ces associations mais aussi avec la Direction de la jeunesse, de l’éducation, de la famille et des sports pour élaborer un accompagnement des personnes impliqués dans ces projets sous forme d’ateliers de permaculture, de conseils spécifiques, d’actions de sensibilisation aux enjeux environnementaux et de santé, notamment;
  • de profiter de l’engagement d’une cheffe de projet par la Direction des affaires sociales, du logement et de l’intégration chargée d’étudier les besoins des personnes âgées afin d’évaluer les ressources et le potentiel d’implication dans ce projet de nos concitoyennes et concitoyens retraité-es, créant ainsi la possibilité de liens intergénérationnels ;
  • d’établir un échéancier pour la mise en œuvre de ces mesures

Nous avons approuvé dans notre grande majorité au dernier conseil l’obligation de nous pencher sur les enjeux écologiques et la nécessité d’agir rapidement. Le présent postulât vous propose de concrétiser dès maintenant cet engagement en y associant un projet de promotion de la santé pour les enfants de notre ville, mais aussi d’intégration intergénérationnelle. Nous proposons de transmettre ce postulât directement à la municipalité.

Caroline Gigon et Yvan Schneider
Pour le groupe socialiste